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Animer des ateliers d’écriture, sans oublier d’y participer
Voilà quelques années que j’anime des ateliers d’écriture. Accompagner des personnes qui ont envie d’écrire est une grande source de joie.
Pendant ces ateliers, j’écris en même temps que les participantes pour m’immerger dans la dynamique collective. Mais dans ce cadre, je suis rarement satisfaite de mes productions. Mon rôle est d’abord d’être là pour les autres, alors que l’écriture devrait être un moment pleinement dédié à soi.
C’est pourquoi je participe également à des ateliers animés par d’autres personnes. J’ai essayé différentes formules : un week-end dans un gîte, des ateliers par correspondance et d’autres en visio.
Même si j’écris en dehors des ateliers, ces moments partagés sont précieux : ils enrichissent à la fois ma pratique de l’écriture et mon approche de l’animation.
Un atelier d’écriture, c’est quoi ?
Bien que les ateliers d’écriture deviennent de plus en plus populaires, aucun ne se ressemble vraiment. Selon l’animateur, les participants et le format choisi, l’expérience peut être très différente : il est donc difficile de donner UNE définition de l’atelier d’écriture.
Je vais donc vous donner la mienne, en commençant par ce qu’un atelier d’écriture n’est pas : ce n’est pas un exercice scolaire. Dans mes ateliers, je n’apprends pas aux autres à écrire, mais je crée un espace propice à l’écriture, que j’essaye de rendre aussi inspirant et bienveillant que possible.
Un atelier sert à accompagner le désir d’écrire à travers des propositions d’écriture ouvertes, des pistes d’exploration.
C’est un moment dédié à soi, au déploiement de la créativité, à la découverte littéraire, à la lecture à voix haute et au partage avec d’autres écrivains.
Quant au rôle de l’animateur d’ateliers d’écriture, j’aime beaucoup cette définition qu’en donne Christine Lamy :
« C’est par sa personnalité que l’animateur transforme ce lieu magique où le travail d’écriture solitaire devient dépendant d’un cercle collectif. Le groupe travaille, produit dans une ambiance de détente et de convivialité qui se veut chaleureuse et dans une atmosphère d’effervescence autour de ce travail de groupe défini. Le formateur est là pour respecter et faire respecter les individualités. Par son impartialité, il tente d’apporter une « âme » et une direction tant individuelle que groupale, sans censure ni contrainte. Il guide le groupe, l’accompagne et le valorise. »
La tendance des ateliers d’écriture
Aujourd’hui, les ateliers d’écriture sont en pleine expansion, que ce soit dans des écoles, des associations ou même à l’université avec l’apparition des masters de création littéraire. L’École supérieure d’art et l’Université du Havre ont initié le premier master de création littéraire en France en 2012, s’inspirant du modèle anglo-saxon du creative writing, enseigné dans les universités anglophones.
Auparavant, les facultés de lettres n’offraient aucune pratique de l’écriture créative.
J’ai moi-même suivi des études de lettres entre 2007 et 2012 : je n’ai jamais « mis les mains dans le cambouis », sauf en deuxième année de master, où j’ai eu la chance de suivre un atelier pendant un semestre avec un professeur. Nous étions seulement une dizaine.
De plus, les études de lettres se concentraient principalement autour de la littérature classique, négligeant la littérature contemporaine. Selon Alain André (fondateur d’Aleph Écriture), les ateliers d’écriture servent à combler « une carence, évidente, du système éducatif français » :
« Tout au long du vingtième siècle, l’enseignement secondaire et l’enseignement universitaire des lettres, en France, sont restés obsédés par la lecture et l’exégèse, au détriment de l’écriture dite créative. En outre, on y a enseigné les classiques au détriment de la littérature contemporaine, avec une obstination qui la vouait au patrimonial : comme l’écrivit Michel Butor, l’université française a l’amour prudent : elle préfère les écrivains… morts. »
Même constat dans l’enseignement secondaire : les programmes et manuels privilégient la littérature classique, au détriment de la littérature contemporaine (à mon grand regret lorsque j’étais prof). Je pense qu’il est important de lire les classiques pour développer une culture littéraire, mais que les œuvres contemporaines sont souvent plus accessibles et peuvent éveiller le goût de la lecture chez les élèves.
Dans mes ateliers, je m’appuie sur des références littéraires contemporaines pour faire découvrir des textes ancrés dans notre époque. Voici ce qu’en dit Alain André :
« Les ateliers littéraires ont contribué à former de nouvelles générations de lecteurs. Quiconque les a fréquentés sait que ces « passeurs » que sont les animateurs ou formateurs en écriture, écrivains ou non, sont avant tout des passeurs de livres. Le dispositif de l’atelier, d’une plasticité remarquable, a répondu à de nombreuses urgences, mais d’abord à celle-ci : réveiller l’amour de la littérature dans le cœur des lecteurs. »
Oui, en tant qu’animatrice d’ateliers d’écriture je suis avant tout une passeuse de livres. Les ouvrages que je choisis sont contemporains, avec des formes et des thématiques propres à notre monde actuel.
Je m’attache aussi à puiser des textes dans de petites maisons d’édition et des genres minoritaires comme la poésie pour faire connaître des livres peu mis en avant.
La force d’écrire ensemble
Le bienfait le plus évident de l’atelier d’écriture, c’est qu’il facilite l’accès à la créativité littéraire. Les propositions d’écriture en temps limité au sein d’un groupe stimulent l’écriture spontanée.
Les ateliers réguliers instaurent également une routine d’écriture. Certaines personnes n’écrivent pas en dehors des séances. Les ateliers constituent un espace dédié à cette pratique. Les participantes à mes ateliers me disent qu’il est essentiel pour elles de consacrer ces moments à l’écriture. Ce sont des rendez-vous qu’elles s’offrent pour prendre du temps pour elles.
Écrire en atelier, c’est aussi le plaisir de partager cette activité avec d’autres personnes : écrire ensemble favorise des échanges constructifs et inspirants. De même, ils incluent des moments de lecture à voix haute qui me tiennent à cœur. Selon l’article Les adultes feraient bien de redécouvrir le plaisir de la lecture à voix haute, paru dans Courrier International, cette activité est le « privilège de l’enfance » (et c’est bien dommage) :
« On y voit un moyen de familiariser nos enfants avec la langue et la littérature jusqu’à ce qu’ils puissent lire eux-mêmes, au lieu de la considérer comme un moment privilégié à partager, même entre adultes. »
La lecture, comme l’écriture, sont des activités solitaires et introspectives. Ainsi, les partager avec d’autres personnes peut procurer du bonheur parce que cela se transforme en une expérience collective rare.
Participer à un atelier d’écriture, c’est aussi accepter que l’écriture soit un travail, surtout si une envie de publication commence à émerger. Écrire régulièrement en atelier favorise une progression constante. De même, être lu par d’autres est une étape parfois difficile, mais fondamentale pour s’améliorer. Les retours constructifs que j’ai reçus sur mes textes en ateliers m’ont permis de franchir des caps dans ma pratique, tout en renforçant ma confiance.
Les participantes à mes ateliers ont aussi évoqué cette année le constat positif qu’elles faisaient de l’évolution de leur écriture au fur et à mesure du temps. Car participer à un atelier d’écriture, c’est aussi, d’après le livre Le Planteur de virgules :
« Accepter de faire ses gammes comme quand on apprend à jouer d’un instrument, accepter de ne pas y parvenir du premier coup. Prendre ce qui vient, ce qui se présente pour le retravailler ensuite. Accepter quelquefois de la laisser ainsi, inachevée, parce qu’on ne peut pas aller plus loin. Accepter ce qui n’est parfois que fragments, éclats, simples propositions non suivies d’effet. Accepter que le corps parle un autre langage, que l’esprit s’échappe des formes où on voudrait le faire entrer. » (p. 22.)
Au fond, l’acte d’écrire s’étend bien au-delà de poser des mots sur le papier : il s’agit d’un processus intérieur fait de patience, de persévérance et de lâcher-prise, si bien que les textes que nous écrivons nous dépassent.
Conclusion
Il existe autant de façons de guider et de vivre un atelier d’écriture que d’animateurs et de participants. Je n’ai qu’une certitude fondée sur mes expériences : écrire avec les autres est une expérience riche, puissante et transformatrice.
Par ailleurs, écrire est un chemin qui peut être jalonné de difficultés (la page blanche et tutti quanti). Les ateliers d’écriture sont une voie pour les surmonter, en se reconnectant simplement au plaisir d’écrire, d’une façon joyeuse et créative.
N’hésitez pas à répondre à ce mail pour me suggérer des idées de sujets que vous aimeriez que j’aborde dans les prochaines éditions d’Écrire !
À bientôt dans la prochaine édition,
Claire.
D’une manière un peu décalée, ton article m’a donné envie de réinstaurer la lecture à voix haute avec ma fille qui a aujourd’hui 12 ans.
Cela lui arrive encore quelques fois d’avoir envie de me partager des passages de ses livres. Je fais rarement l’inverse, il faut que ça change !
Pourtant, j’ai continué la lecture à voix haute bien, après, qu’elle soit capable de lire seul : la lecture à deux voix, chacune lit un chapitre à l’autre. Mais désormais, la plupart du temps, nous lisons chacune de notre côté ; et quand la coquine a envie de dormir dans ma chambre, elle ne me demande plus de dormir avec moi, elle me dit : « je peux venir lire à côté de toi ? » à l’heure du coucher.
Les vacances sont un bon moment pour recréer des retrouvailles littéraires. Je vais m’y employer.
Merci pour cet article très juste. Étant moi-même animatrice d’ateliers d’écriture, je souscris à 100% à tout ce que vous écrivez à propos des ateliers d’écriture : ce que c’est et ce que ce n’est pas, la diversité des ateliers comme des animateurs d’ateliers, notre rôle d’accompagnateur d’écriture et de passeur de livres, les bienfaits de l’atelier pour les participants en termes de lâcher prise, de créativité, de progression technique, de convivialité, etc. Bref, votre article est un merveilleux plaidoyer en faveur des ateliers d’écriture, comment ne pas se laisser tenter par cette belle aventure ? ;-)